«Si je connais Saint-Gobain?», demandait la dernière publicité TV (Publicis) du fabricant de matériaux en 1986. Trente ans plus tard, le groupe a décidé de répondre.

Ce n’est pas la nouvelle campagne de rentrée de Canal+, mais celle du fabricant de matériaux Saint-Gobain. Qui l’eût cru? Le géant du BTP se remet à communiquer en TV, après 30 ans d’absence, avec un film haut en couleurs signé Publicis Conseil - diffusé depuis le 12 novembre avec Havas Media. La caméra se déplace de pièce en pièce dans un immeuble éclectique, passant par exemple d’un anniversaire d’enfants à un studio de yoga. «Dans la vie, il y a ceux qui ont besoin de s’exprimer, et ceux qui préfèrent intérioriser», décrit la voix off.

L’idée n’est pas de refléter les univers de différentes séries TV, comme ça aurait presque pu être le cas, mais de nous immerger dans des environnements censés inspirer, chacun à sa façon, le confort. Le confort thermique, acoustique, visuel… Quel rapport avec les matériaux? À y regarder de plus près, le fournisseur de joints, vitres et isolants est bien présent. L’agence a subtilement intégré les matériaux comme transition entre deux scènes. La caméra traverse virtuellement un mur et ses multiples couches pour passer d’un milieu à l'autre.

Mais pourquoi est-ce qu’un fournisseur de matériaux, ciblant largement les professionnels, se lance-t-il dans une telle campagne de notoriété – adossée, qui plus est, à un dispositif print, digital et social? Tout est parti d’un constat.

Avec ses 167000 salariés dans 67 pays, et ses 352 ans d’histoire, Saint-Gobain est une gigantesque entreprise et un élément du patrimoine économique du pays. Mais le grand groupe n’est pas encore une grande marque. En dehors de son cercle initial, qui connaît son métier? Saint-Gobain a posé la question.

Il en ressort un taux de notoriété mondial de 12%. En France, c’est un peu mieux, avec un taux de notoriété assistée (lorsqu’on demande aux sondés s’ils connaissent une marque citée) de 54%. Parmi eux, 27% estiment connaître ce que fait le groupe et 27% l’attribuent spontanément à la notion de confort, mais sans identifier vraiment qu’il fabrique des matériaux… Bref, un résultat un peu flou mais qui dit au moins une chose: Saint-Gobain n’est pas assez connu pour émerger en tant que marque.

Renouveler l'ère

Devenir une grande marque, c’est justement l’objectif de la société dirigée par Pierre-André de Chalendar. «L’environnement de marché a beaucoup évolué avec le digital qui a transformé le client final en prescripteur, et en décisionnaire de ses achats dans l’habitat», pointe Laurence Pernot, la nouvelle directrice de la communication de Saint-Gobain. «Nous sommes présents partout avec nos matériaux. En Europe, Saint-Gobain équipe une voiture sur deux en vitrage. Nous sommes présents, mais discrets. Le client final ne nous connaît pas, ou peu. Il fallait donc travailler notre notoriété et ses attributs», avance-t-elle.

«Nous avons été interrogés sur la question suivante: comment est-ce que l’on construit une vraie marque, et pas une entreprise», indique Valérie Hénaff, présidente de Publicis WorldWide et Publicis Conseil. «Nous avons déterminé ce que fait Saint-Gobain, comment et pourquoi. C’est-à-dire des matériaux conçus pour l’habitat et le confort de ses occupants, conçus avec un souci de l’innovation, et dans le but d’œuvrer pour le mieux vivre ensemble», poursuit la communicante.

Multiples sont les études qui prévoient que la majorité de la population vivra dans des grandes villes dans un avenir proche. Dans ce contexte, Saint-Gobain imagine émerger comme le porteur de la «cohabitation heureuse». Un concept qui a guidé la campagne, et qui prend sa source dans la data et les études menées au planning stratégique de l’agence.

Établir un pont

«Les écoutes sociales nous disent qu’en matière d’habitat, la plus grande attente des gens est de se sentir bien chez soi alors que la vie collective est complètement nécessaire», rapporte Valérie Hénaff. C’est de cet «insight» principal qu’est parti le film. Dans cet immeuble imaginaire, on croise une sculptrice danoise, un restaurateur japonais, des gamins faisant la fête, un chat, des jeunes dans une voiture, musique à fond, une femme en train d’accoucher… Mais dans tout ça, «le héros de l’histoire, c’est le matériau».

Diffusé trois semaines en TV, le film va être appuyé par un dispositif en ligne mêlant des GIF animés sur les réseaux sociaux, des scènes prises en vertical lors du tournage et d’autres outils qui serviront la notoriété de Saint-Gobain.

La limite de l’exercice? Le groupe – qui a revu sa plateforme en 2015 – reste pour l’instant dissocié de son portefeuille de 80 marques. Les Isover, Flexovit, Rencol, ZirPro, SageGlass, Ecophon, Dahl, CTD et consorts. Si certaines d’entre elles affichent leur appartenance à la maison mère dans leur logo, ce n’est pas le cas de la majorité.

Pour établir un pont entre ces deux mondes, Saint-Gobain mise aussi sur Homly You, sa plateforme en ligne de mise en relation d’artisans et de particuliers. Pour le reste, il faudra compter sur une temporalité plus longue. En attendant, cette campagne est bienvenue alors que pour la première fois depuis la crise de 2008, le marché du BTP reprend des couleurs.

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