Depuis plusieurs mois, le géant de l’e-commerce multiplie les projets sur la publicité en ligne. Un marché juteux, où il pourrait faire bien plus que jouer le rôle de figurant.

Si le foulard est agité de la main droite, c’est dans la main gauche que se situe le plus intéressant. Amazon fait trembler le monde de la distribution depuis qu’il s’est offert Whole Foods aux États-Unis, et montre de plus en plus d'appétit pour d’autres entreprises, comme Système U ou E.Leclerc en France. Et on ne parle que de ça... C'est la stratégie du foulard. Car dans l’arrière-cuisine, le géant s’attaque à un tout autre business : la pub en ligne.

«Sur les derniers mois, Amazon a effectué de nombreuses améliorations sur son DSP existant, et a lancé une toute nouvelle solution de Search sponsorisé sur son site (voir encadré), décrit Fabrice Henry, partner chez Artefact, la société spécialisée en gestion de données et en marketing digital. On commence à voir certains arbitrages chez l’annonceur entre les budgets dédiés aux campagnes Adwords et à ce nouveau service d’Amazon. »

 Lentement mais sûrement, le géant du e-commerce grignotte des parts du gâteau. « Avec des marges confortables, d’environ 20 à 30 %, Amazon s’assure un bon business pour un minimum d’investissement. Comme c’est une boîte technologique, elle a déjà les ressources techniques et humaines qu’il lui faut. Ils savent faire le développement des outils sans trop de difficultés », continue Fabrice Henry. Un business plus petit mais plus rentable que la gestion de données, où Amazon Web Service [AWS] est clairement leader, grâce à une politique commerciale agressive, et une donnée sensiblement moins chère que ses concurrents.

Réflexe Amazon.

Mais même si Google et Facebook phagocytent 80 % de la croissance de la pub digitale, « ce serait dommage pour Amazon de se priver de ce marché ! Ils ont un flux de chalands importants et se situent à un moment clé du parcours d’achat. À la fois en acquisition en haut du parcours, et à la fois au moment de l’achat », détaille Samir Amellal, le directeur général de Fullsix Paris. L’agence qui veut changer la vision du CRM s’intéresse aussi de près aux dernières modifications d’Amazon. De plus en plus, les internautes – surtout aux États-Unis – ont le « réflexe Amazon » avant d’acheter un produit, en ligne ou en magasin, et recherchent les produits sur le site d’e-commerce. Son offre pléthorique, grâce à sa place de marché, constitue un catalogue fourni. Une manière pour les internautes d’avoir une vue globale des produits existants, davantage encore que sur Google. Amazon, en plus d’être en aval du parcours d’achat, est aussi un outil d’acquisition idéal.

Cette double position de distributeur et de marketeur est stratégique pour l’Américain, puisqu’il a accès à deux poches des budgets des entreprises. « Ils accèdent aux budgets marketing, pilotés par les agences, mais aussi au budget commercial négocié dans le cadre des négociations annuelles », argue Fabrice Henry. Deux lignes de comptabilités différentes donc, et deux types de contacts différents au sein des équipes de direction… Un point fort, que ne peuvent revendiquer ni Google ni Facebook.

Maîtrise de toute la chaîne.

Amazon a par ailleurs considérablement augmenté son inventaire ces derniers mois. Déjà bien fourni avec son écosystème, l’e-commerçant a multiplié les partenariats avec les grands éditeurs.

Présent sur la logistique, sur la gestion des données, sur la distribution également, et possédant même son propre service de livraison, Seller Flex, il ne reste que le marketing pour compléter la chaîne et offrir aux marques un service tout compris… « Ils ont une maîtrise de toute la chaîne. Normalement, tout est cloisonné, et personne chez Amazon n’est censé savoir ce qu’il se passe chez AWS, par exemple. En revanche, les grands groupes américains utilisent souvent l’argument de connexions simplifiées des interfaces. En reliant tous les outils à la DMP dans un même environnement. Mais dans les faits, ce n’est pas une différence si grande », explique Samir Amellal. De nos jours, les outils sont de plus en plus facilement connectables, peu importe l’éditeur. 

À long terme, le géant du e-commerce étoffera son offre publicitaire, et notamment son inventaire, desktop ou mobile. « Sa plateforme vidéo, où il pourra diffuser des publicités avec les séries, et aussi tout l’inventaire d’Alexa, son assistant à commande vocale qui a déjà été vendu à plus de 10 millions d’exemplaires, sont autant d’objectifs stratégiques pour lui », augure Fabrice Henry. Et plus il fera de publicités, mieux il connaîtra les internautes.

Amazon, créateur de campagnes ?

Mais avec bon nombre de réalisateurs et de scénaristes pour ses productions, avec ses rédacteurs d’articles, ou sa plateforme d’influenceurs Spark, Amazon ne pourrait-il pas un jour prétendre à la création des campagnes ? « Ce ne serait pas si aberrant que cela, commente Samir Amellal, mais la seule barrière pour le géant serait sa légitimité. C’est un métier complexe qui nécessite beaucoup de connaissances de la marque, et demande beaucoup de temps. » Un studio de production serait plus approprié. Reste à savoir également si les marques seraient prêtes à tout donner à Amazon. Les annonceurs ou les agences, qui commencent déjà à s’émouvoir de la prépondérance de Google et Facebook dans l’écosystème publicitaire, seront-ils prêts à confier leur logistique, leurs données, leurs médias, leurs insights de marques à un seul acteur ? Qu’Amazon devienne un acteur important est une chose. Mais nécessaire n’est pas suffisant. 

L’environnement publicitaire d’Amazon

Un DSP : Amazon Advertising Platform, qui met aux enchères des espaces display, mobile ou vidéo dans tout l’écosystème du géant de l’e-commerce, ou même sur d’autres sites éditoriaux, grâce à de nouveaux partenariats. Les équipes ont sorti récemment des outils de reporting avec plus de détails (produits vus, mise au panier…) ou de créations dynamiques, spécialisés dans l’e-commerce. Amazon a aussi agrémenté son système d’un nouvel outil de ciblage, Advertiser Audiences, sorti cet été. Il permet de faire du look-alike – chercher des internautes jumeaux – à partir des données CRM des annonceurs.

Un outil de Search : Amazon Marketing Services, lancé il y a un an. C’est un système de recherches sponsorisées, dans les résultats de recherche du site d’e-commerce. Les équipes l’ont agrémenté d’une offre de recherche naturelle, qui exploite les données intentionnistes de recherches du site, une des spécificités d’Amazon, pour anticiper les besoins des internautes.

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