Etude
Selon le cabinet de tendance et de prospective Peclers, le consommateur est de plus en plus en prise avec ses émotions, et attend des marques qu'elles s'engagent sur ce terrain là. Mais ce mouvement n'est pas sans risque pour les marques. Oseront-elles ne plus lisser leur discours ?

La tendance est à l’émotion. Dans une société en manque de repères, on se fie à soi-même et l'on se concentre sur son existence propre, avec le souci de vivre chaque instant. La réalité ne se voit plus qu'à travers le prisme du sentiment. « On est en plein diktat de l’émotion. Les dernières recherches en neuropsychologie indiquent que 80% de nos choix sont guidés par les émotions », constate Emma Fric, directrice de la recherche et de la prospective pour l’agence de tendance Peclers. (Plusieurs modèles sont en débat dans le milieu de la recherche cognitive à ce sujet). Du coup, de nombreuses agences se tournent vers le filon de la data émotionnelle (Datakalab, Fullsix…) pour mieux appréhender le comportement des consommateurs.

 

Emotions instantanées

 

Ce culte de l’émotion, chez le consommateur, engendre une perte de confiance totale dans les instances établies : les institutions, la hiérarchie, mais aussi… les marques. « Les gens ne savent plus à qui se fier, continue la chercheuse. Ils s’interrogent :Quel sens donner à mes actes de consommation dans un contexte où je me pose la question même de la déconsommation ? Les millenials sont nés avec la culture de la préservation de la planète, et elle irrigue forcément leurs choix et leur mode de vie ». Ainsi chaque décision est soumise en permanence à des contradictions, résultantes de toutes ces émotions instantanées qui se mêlent et s’entremêlent. « C’est pourquoi les marques doivent créer des histoires empreintes de plus de réalisme », explique Emma Fric. Selon la chercheuse c’est en créant une narration qui colle à la réalité émotionnelle qu’elles s’inséreront dans le quotidien des gens. L’agence de prospective a présenté jeudi 17 mai, une version actualisée de son magazine Futur(s), en l'agrémentant d’exemples d’activation, justement pour aider les marques dans la mise en application concrètes dans le quotidien du consommateur. « Le but est toujours de donner aux marques des territoires de créativité, des cadres d’inspiration, mais de les agrémenter d’illustrations tangibles », explique la chercheuse.

 

Engager la marque dans le débat

 

Parmi les aspirations des consommateurs, la pluralité authentique, l’invitation à la résilience – pour ne pas dire résistance – et la symbiose avec le monde (nature, technologie etc.), autant de cadres de créations qui imposent à la marque de s’engager. Comme le révélait le sondage Opinionway de Havas Shopper pour la Paris Retail Week, 79% des Français interrogés estiment que les marques ont le devoir d’agir pour la société, et pour 64%, c’est une bonne chose que les marques participent au débat public. Un tiers d'entre eux estime que ce débat peut même concerner la politique. Un engagement parfois difficile à entendre pour les responsables marketing, frileux à l’idée d’engager leur marque sur le terrain du débat. Mais ce sera précisément ce qui lui donnera chair. « On revient à la posture de marque radicale. Il faut arrêter de penser consommateur, et revenir à la considération de personnes humaines, continue Emma Fric. Donc leur parler dans un langage concret, faire naître des émotions durables, à même de laisser une empreinte, un souvenir, pour créer au sens propre, une expérience de marque. »

 

Ne pas devenir transparente

 

Mais faire participer la marque à la fois à un débat clivant, tout en tenant un discours rassembleur – pour séduire un grand nombre de clients – revient à tenter de résoudre la quadrature du cercle. En France, directeurs marketing font souvent le choix du plus lisse, en optant pour l'humour ou en bottant en touche. Par crainte d’abimer son image. Mais c’est pourtant cet engagement qui peut atteindre le cœur des personnes, qui touche une émotion profonde. La marque Diesel, par exemple, s’est engagée émotionnellement avec sa communauté, en rebondissant sur l’idée du mur de Trump, via un film de marque engagé, mais tout autant stylisé dans la forme, conforme à sa manière d’appréhender les jeunes, ses cibles et son positionnement. «Il y a des moyens de trouver des voies en accord avec sa marque, assure Emma Fric. Cohérentes avec son histoire et son positionnement. » Ainsi, sans tomber dans la radicalité totale, la marque devra à l'avenir s'habituer à éclaircir ou foncer son discours, pour éviter de devenir grise aux yeux des consommateurs, voire pire, transparente. 

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