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Nike et Adidas concentrent leurs moyens sur l’élite des clubs de foot européens, et lâchent, pour des raisons financières, plusieurs contrats. Un appel d’air bénéfique pour les outsiders, notamment Puma et Under Armour.

« Demain n’est pas si loin », « Un passé indélébile, un futur à écrire », « Ici pas de remontada » : vendredi 24 mars, les Marseillais découvraient sur les murs de leur cité une quinzaine de curieux messages. Le discours politique d’un candidat à la présidentielle ? Non : seulement l’annonce de l’arrivée d’un nouvel équipementier à l’Olympique de Marseille. Deux jours plus tard, Puma officialisait son engagement avec le club phocéen, succédant ainsi à Adidas, qui a habillé les footballeurs marseillais durant 40 ans.

Le contrat de la marque du groupe Kering, de François Pinault, ne débutera qu’en juillet 2018, mais le but était de marquer le coup. L’accord de 5 saisons avec l’OM, et 14 millions d’euros annuels, arrive après celui signé en 2014 avec les Anglais d’Arsenal pour 37 millions d'euros annuels. Un contrat piqué à Nike.

« Un équipementier comme Puma saisit les opportunités » observe Vincent Chaudel, économiste du sport au cabinet Wavestone. « Nike et Adidas privilégient le top des clubs de la Ligue des Champions, dont les accords, d’environ 30 millions d'euros annuels il y a quelques années, sont désormais situés entre 50 et 80 millions. » Du coup, en concentrant ses efforts sur une poignée de très gros clubs, le duo s’oblige à des arbitrages économiques, et abandonne donc des contrats moins importants. Résultat : des équipes majeures, moins courtisées, et moins chères, deviennent accessibles à des marques challengers.

Places à prendre

Sur les huit clubs qualifiés en quart de finale de la Ligue des Champions cette saison, trois sont équipés par Adidas (Juventus de Turin, Bayern Munich, Real Madrid) et autant par Nike (Monaco, Barcelone, Atletico Madrid). Les deux derniers sont sous contrat avec Puma : Borussia Dortmund et Leicester. Ce sont aussi les challengers de la coupe d’Europe.

« Puma à l’OM correspond à la stratégie amorcée il y a quatre ans sous la bannière Forever Faster, qui replace la marque dans l’univers du sport, plutôt que dans le lifestyle » analyse Jean-François Jeanne, directeur général d’Infront France. « Cette dynamique fonctionne bien ». Et la marque de Kering profite de l’appel d’air créé par Nike et Adidas. Chez Puma, on invoque un autre motif : « La signature du contrat avec l’OM n’est pas liée au désintérêt d’Adidas. C’est grâce à notre agressivité commerciale. Il était important pour nous de reprendre une place sur le marché. »

Puma n’est pas seul à bousculer le couple Nike/Adidas. Under Armour, qui vient de dépasser Adidas aux Etats-Unis (lire plus bas), nourrit de fortes ambitions en Europe. « Il s’agit déjà d’une marque qui compte au niveau international » assure Virgile Caillet, délégué général de l’Union Sport & Cycle. « Elle a un gros potentiel de développement ». Arrivée tout juste en France, Under Armour vient d’aménager à Boulogne-Billancourt, à deux pas, d’ailleurs, du siège administratif du Paris Saint-Germain.

La marque américaine fait déjà parler d’elle. Partenaire de Clermont-Ferrand en rugby, elle s’est choisie un ambassadeur de poids : le judoka Teddy Riner. Presque une allégorie marketing. Pas suffisant tout de même pour décrocher tout de suite de gros contrats. « Les grands clubs et fédérations attendent beaucoup de services de la part de leur équipementiers », indique Jean-François Jeanne. Autrement dit, les structures disposant d’un réseau commercial solide et éprouvé rassurent plus qu’une marque qui vient de s’installer et construit encore son réseau. Under Armour devra donc rassurer avant de décrocher une grosse pointure.

Marché binaire

L’appel d'air créé par ce mouvement vers le haut des « gros » profite aussi à une flopée d’autres marques. New Balance, qui souhaitait revenir dans le football, a profité de la situation quand Nike a lâché le club de Lille. « On voit que les choses bougent » confirme François-Xavier Chupin, président de Sport Finance, qui a repris la licence de la marque italienne Kappa.« Le marché devient binaire, entre les gros clubs, qui n’intéressent que les gros équipementiers, et les autres, délaissés. Entre eux, le fossé se creuse. »

Kappa en profite bien. Selon une étude de Sportbuzzbusiness.fr, dans les cinq sports collectifs majeurs, la marque dispose de 34 contrats avec des équipes professionnelles : c’est plus qu’Adidas et Nike réunis ! « Mais pour un montant total très loin de celui que paie Nike pour le PSG », précise François-Xavier Chupin.

« Notre modèle économique est en ligne avec ceux de ces clubs, devenus négligeables pour Nike et Adidas », explique Pierre Arcens, président d’Hungaria, une marque qu’a fait renaitre cet ancien d’Adidas. « Ces grosses entreprises demandent 18 mois de travail pour réaliser un nouveau maillot, un délai impossible pour les petits clubs de football ou de rugby » insiste-t-il. « Ils ne peuvent pas faire de personnalisation, aussi, alors que moi je suis dans l’épicerie fine. »

En fait, tout le monde y trouve son compte. « En haut, les grandes marques défendent des actifs » indique Virgile Caillet de l’Union Sport & Cycle. « Elles cherchent une exposition internationale qu’elles trouvent avec des clubs qui s’exportent sur toute la planète. Leurs recettes vont au-delà de la vente de maillots. On commence à voir un début de justification de ces niveaux d’investissements. » Adidas, qui débourse déjà 98 millions d’euros annuels pour disposer de Manchester United, pourrait faire un chèque aussi élevé pour conserver le Real Madrid. La facture est quasi-équivalente pour Nike avec le FC Barcelone.

Et les petits clubs ?

« Non, nous n’avons pas abandonné les petits clubs »rétorque un représentant de Nike.« Nous avons encore des accords en Ligue 2. Et puis, ce qui nous importe, c’est de proposer les meilleurs produits aux sportifs. » La marque à la virgule chausse ainsi 64% des joueurs de Ligue 1, selon Footpack.fr. « Le jeune de Lorient voudra toujours la paire portée par l’attaquant de son équipe », affirme le même porte-parole.

Kappa estime aussi avoir trouvé un bon modèle économique, notamment avec des clubs comme Angers ou Bastia. « Oui, c’est rentable, car notre stratégie est de travailler sur un territoire » confie François-Xavier Chupin. « Nous sommes aussi beaucoup plus souples pour le merchandising, grâce à la fabrication de petites quantités », renchérit Pierre Arcens d’Hungaria. Selon le cabinet NPD, le marché des maillots de foot s’élève à 220 millions d’euros, mais cannibalisé aux deux tiers par Nike et Adidas. Ça laisse quand même 70 millions à se partager pour les autres.

Outre le fait que cela l'aide à se faire connaître, posséder une équipe permet encore à une « petite marque » de séduire des clubs amateurs. Ce marché s’élève à 1 million de maillots, dont 650 000 dans le football. L’équipementier de Nice, troisième actuel du championnat de France, a trouvé un autre type de partenariat : avec la ligne de bus Flixbus ! La marque a développé un jeu à destination des clubs de foot bretons. Mais Macron, puisqu’il s’agit du nom de cette entreprise italienne, pourrait aussi bénéficier d’un autre relais grâce à la campagne... du candidat à la Présidentielle.

Des fédérations courtisées

Nike et Adidas se disputent aussi les fédérations françaises. Au football (FFF) Nike a été reconduit pour 4 ans, avec un contrat revalorisé à plus de 50 millions d’euros par saison. Via sa marque Jordan, l’américain doit récupérer le basket-ball français (FFBB) laissé il y a quatre ans à Adidas. Ce dernier aurait préféré continuer avec les handballeurs français (FFHB) sacrés champions du monde en janvier dernier pour la sixième fois, et… meilleurs vendeurs de maillots. Enfin, Adidas tente de conserver le rugby, mais la FFR a relancé l’appel d’offres car la marque aux trois bandes était la seule répondante. Elle pourrait l’être encore.

 

Under Armour, la marque de sport qui rivalise avec les géants

C’est l’histoire d’une petite marque devenue grande. L'équipementier sportif Under Armour, fondé en 1996 par Kevin Plank, est parvenu à se faire une place sur le podium, aux côtés de Nike et d'Adidas. L'année dernière, son chiffre d’affaires a grimpé de 22% pour atteindre 4,8 milliards de dollars. Et en 2014, la jeune marque a même réussi à détrôner Adidas de sa place de numéro deux sur le marché américain.

Under Armour, qui a bâti sa réputation sur des produits techniques et haut de gamme, a signé des partenariats avec des sportifs de renom. Aujourd’hui, elle compte parmi ses ambassadeurs, Cam Newton, star du football américain, le joueur de baseball Bryce Harper, ou encore Stephen Curry, étoile de la NBA (basketball). Et c’est sa stratégie offensive qui a permis à la marque de s’imposer. Car son PDG, Kevin Plank, n'hésite pas à défier les plus grands. Pendant des années, à Noël, il a envoyé une carte de voeux au PDG de Nike, avec toujours le même message : « Un jour, vous entendrez parler de nous. » Et c’est chose faite, car désormais, le logo d’Under Armour, un U et un A entrelacés, est aussi visible aux Etats-Unis que la virgule inversée de Nike.

Aujourd’hui, la marque de Baltimore, qui en 2016 détenait 2,3% des parts de marché mondiales selon Euromonitor, souhaite exporter son succès à l’international, et notamment en Europe. Elle tente d’ailleurs de se détacher d’une image très marquée par les sports américains, et investit dans des disciplines plus européennes, comme le rugby avec l’ASM Clermont, le tennis et Andy Murray ou encore le judo avec Teddy Riner.

Chloé Cohen, à New York

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