Mobile
Alors que la pénétration du mobile est toujours plus forte, le marketing pour ce support est au tournant de son histoire. S’il ne manie pas la transparence et la maîtrise du marché dans le respect du mobinaute, il pourrait être mis à mal.

Les chiffres du mobile font de lui le média et le support de publicité de demain. En 2020, ce sont plus de huit milliards d’individus dans le monde qui possèderont un smartphone, soit un taux de pénétration de plus de 60%. Plus de 80% du trafic de données mobiles proviendront de ces supports. Enfin, les revenus générés au sein du monde applicatif pourraient dépasser, d’ici là, les 100 milliards de dollars. Le marketing du mobile apparaît ainsi comme une poule aux œufs d’or pour les marques et les agences, voire les utilisateurs. L’explosion du visionnage de vidéos et de l'achat de programmatiques mobiles sont des signes qui ne trompent pas. Selon le Syndicat des régies internet (SRI), sur 456 millions d'euros investis en France en 2015, le search mobile progresse de 58% et le display mobile, avec 277 millions de revenus, de 62%.

Le smartphone est le support de publicité idoine pour délivrer un message contextualisé, utile et non intrusif. Reste à savoir comment bien le faire pour ne pas rééditer les errements de la publicité sur internet, qui a généré un ras le bol des internautes et la montée en puissance des ad-blockers. Forts de ces chiffres qui font de ce support l’avenir de la publicité, forts du fameux slogan «mobile first», les acteurs de ce secteur doivent innover et ne pas appréhender le média mobile comme un autre média. Ils doivent bien en comprendre les spécificités et les atouts. En voulant faire trop vite ou en ne s’y intéressant pas totalement, les marques pourraient rater le coche d’une entrée en conversation et d’un engagement des consommateurs.

Dans ce marché en pleine croissance, certaines règles peuvent être bonnes à suivre. Elles sont au nombre de quatre, selon les acteurs du marché. Il est crucial de respecter la navigation du mobinaute, de le divertir et/ou de lui apporter un service, de lui faire vivre une expérience intéressante et enfin de personnaliser le message qui lui est délivré. «L’application de ces règles de bon sens est un enjeu capital pour le marché mobile, sinon, la confiance ne pourra pas s’établir entre les marques et les utilisateurs», analyse Sophie Poncin, directrice d'Orange Advertising France. Au-delà de ces quelques bonnes habitudes à respecter, plusieurs tendances fortes et structurantes sont en cours dans le marché du mobile.

L’avènement du «moment marketing»

Délivrer le message au moment adéquat est le rêve de tout publicitaire. Avec le mobile et le big data, ce rêve est en passe de se réaliser. Quand un consommateur se trouve à proximité d’un magasin, il est possible de lui adresser un «push» sur son mobile pour qu’il y entre, puis de lui envoyer une ou des «récompenses» pour qu’il achète dans ce même lieu. C’est le fameux drive-to-store. C’est l’un des éléments du moment marketing. «C’est une tendance lourde qu’il ne faut pas rater. L’enjeu est de savoir comment délivrer le message au bon moment, au bon endroit et avec le bon ton sur l’outil intime qu’est le mobile», explique Gabrielle Loeb, directrice générale de Mobext France, l'agence média mobile d’Havas. Qui ajoute: «Sur ce point, tout sera question de mesure. Si on adresse une publicité au mobinaute dans un moment idoine et que cela lui est utile, alors le moment marketing sera accepté. En revanche, si c’est une intrusion, alors le risque est grand de voir se développer un système d’ad-blocker sur mobile.» Reste à déterminer jusqu’où il est possible d'aller si on ne veut pas voir émerger le phénomène d’ab-blocking. Faut-il tracer le mobinaute jusqu’à l’appeler par son prénom lorsqu’il arrive en magasin et le diriger vers les derniers articles qu’il a regardé sur internet? «Nous n’en sommes pas encore à ce stade. Et cela ressemble un peu à Minority Report. L’avenir se situe certainement au milieu de cela», souligne Gabrielle Loeb. Un constat partagé par Luc Vignon, directeur général de SFR Régie: «Il faut tendre vers une offre locale, multicanal et raisonnablement délivrée.»

Le «mobile first» encore à intégrer

«Le mobile n’est pas intégré comme il le faut dans les stratégies médias et il est sous-investi par rapport à son audience», poursuit Luc Vignon. La faute à une «méconnaissance de la part des annonceurs», mais aussi «d’une technologie qui ne suivait pas toujours», détaille-t-il. Heureusement, le programmatique permet aujourd’hui une meilleure implémentation des publicités. Pour accélérer encore le mouvement vers le «mobile first», les annonceurs et les agences doivent travailler sur du native advertising et bien intégrer le fait que sur mobile, ce que les mobinautes consomment en grande majorité, c’est de la vidéo. Près de 60% des vidéos regardées aujourd’hui sur You Tube le sont via ce support. «Par des publicités vidéos, créées exclusivement pour mobile, nous pouvons donner le goût de ce média», estime Sophie Poncin. Dans une forme d’évangélisation, en somme, comme si le smartphone n’était pas encore considéré comme un média à part entière. «C’est un travail collectif que doivent mener les agences, régies et marques, pour bien montrer que le ROI [retour sur investissement] sur mobile est plus qu’intéressant», avance Gabrielle Loeb. Et Luc Vignon de lui emboîter le pas: «Les mots clés sont maîtrise et transparence. Nous devons être sur un marché qui a la maîtrise de ce qu’il commercialise et qui a une réelle transparence concernant les chiffres.» En clair, là encore, ne pas réitérer les erreurs commises avec le web, où certains avaient l’habitude de gonfler leurs audiences…

Le «cross-device», enjeu fondamental

Tout un chacun a déjà eu à faire face à la même publicité. Plusieurs fois, et sur des supports mobiles différents. Ainsi, tel film a été vu en ligne via un ordinateur, puis sur l’application mobile d'un média, et sur une tablette lors d’une navigation. Evidemment, cette pression publicitaire peut être mal ressentie par l’utilisateur. Elle peut même le conduire à une réaction de rejet. C’est tout l’enjeu du «cross-device»: faire en sorte de repérer qu’il s’agit du même individu sur les différents supports utilisés et, ainsi, ne pas lui délivrer la même publicité. «Cette reconnaissance du cross-device, qui évite à celui qui possède un smartphone Android, une tablette Apple, un ordinateur Windows et un téléviseur connecté de voir quatre fois la même publicité, est l’un des enjeux fondamentaux de notre marché dans l’année à venir», assure Gabrielle Loeb, de Mobext France. Et de nombreuses solutions sont d’ores et déjà disponibles, avec un taux de fiabilité de 97% dans la reconstitution des individus en fonction de leurs comportements. Aux annonceurs, agences et régies de travailler ensemble pour avancer dans ce sens. Une sorte d’ultra-personnalisation de la publicité.

Utiliser les API, mais pas seulement

Alors que chacun s’interroge sur la bonne stratégie pour faire en sorte que son appli ait une vie intéressante et que son site mobile soit en «responsive design», une troisième possibilité, mise en avant par Facebook, pourrait bien reléguer ce débat aux oubliettes. En annonçant en avril la possibilité d’intégrer au sein de Facebook Messenger des «chatbots» grâce à une API [interface de programmation] intégrée, le réseau social a rebattu les cartes du marketing mobile. Grâce à cette technologie, les marques peuvent entrer dans le carrefour d’audience qu’est le réseau social pour y faire du commerce. Certes, elles perdent la maîtrise de leurs données clients, mais elles y gagnent en visibilité et en audience. C’est clairement l’un des enjeux de l’année à venir. «Evidemment, les marques doivent être présentes dans ce carrefour d’audience, mais elles ne doivent pas abandonner le combat de la présence plus large sur le mobile, et plus particulièrement dans l’univers applicatif», juge Christophe Collet, cofondateur et président de S4M, entreprise technologique qui aide les annonceurs à rendre leurs publicités le plus utile possible. Qui ajoute plus largement que c’est en «travaillant sur les applications, les logs et la relation que l’on entretien avec le mobinaute que l’on peut avancer réellement vers une évangélisation du marché». La publicité, c’est décidément de la relation.

Le succès des applis de messagerie

Autre effet du boom du mobile, la très forte hausse de la consommation des applis de messageries. «L’une des rares activités où les gens passent plus de temps que sur les réseaux sociaux, c’est discuter par message», augurait Mark Zuckerberg en 2014. Le visionnaire a eu raison. Les mobinautes partagent moins leur vie personnelle en public sur un réseau social, mais plus avec des groupes d’amis restreints, comme ceux de Facebook ou de Messenger. L’application de Facebook, créée en 2011, compte désormais 900 millions d’utilisateurs actifs. Même tendance sur Snapchat, où le réseau «d’amis» est pourtant bien moindre. Seul hic pour les marques, elles ne sont pas dans les applis de messageries. Et si les utilisateurs fuient Facebook au profit des messages, comment se montrer? Depuis un an, elles s’échinent à la tâche, notamment avec les émoticônes «brandées», que beaucoup ont lancés. Mais est-ce suffisant? Facebook, qui détient aussi Whats App, a beaucoup œuvré sur Messenger: intégration des appels et des SMS, ouverture à des comptes de marques pour la relation client, travail sur les fameux «bots» à intelligence artificielle capable de discuter avec les utilisateurs. Au final, les annonceurs gagnent progressivement le moyen d’entrer sur Messenger. E.G.

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