Communication corporate
Axa a renoncé à ses investissements dans l'industrie du charbon et du tabac et en mesure déjà les effets positifs sur son business et sa marque employeur. Le groupe attend également des retombées en termes d'image et de réputation.

«Wanna make the world a better place?» Axa a répondu présent en vue de la COP 21. En juin 2015, l’assureur annonce cesser d'investir dans les entreprises les plus exposées aux activités relatives au charbon. Montant du désengagement: 500 millions d’euros. En parallèle, Axa décide de tripler ses investissement verts, qui devraient atteindre plus de 3 milliards d’euros en 2020. Pure démarche d’accompagnement pour augmenter sa visibilité dans le sillage de la conférence sur le climat? Non, une décision stratégique. «Nous avons décidé de nous désengager du charbon pour nous affirmer comme un acteur proactif sur l’enjeu du changement climatique», défend Sylvain Vanston, en charge du développement durable au sein du groupe Axa.

Ce premier pas, conforme à une stratégie d’engagement positif pour le climat, a eu des retombées largement positives. L'assureur s’est vu offrir en janvier dernier l’une des quatre vice-présidences de la task force sur le changement climatique (TCFD) par le Financial Stability Board, le bras armé du G20. Une task force qui n’a rien d’un comité Théodule puisqu’elle doit émettre fin 2016 des recommandations afin de rendre plus transparentes, pertinentes et cohérentes les actions à mener. Inespérée, cette proposition représente une opportunité très appréciable, reconnaît Sylvain Vanston. «Être membre de ce groupe nous permet d’entrer en contact avec des industriels et des gouvernements de manière positive», note-t-il.

Mieux encore. Ce désinvestissement du charbon s’est aussi révélé in fine une bonne décision économique. Les prix du charbon ont en effet baissé de 75% depuis 2011, du fait de l’essor du gaz de schiste, du ralentissement de l’économie chinoise et de la chute des cours du pétrole. Résultat: le service de la dette que les acteurs du secteur ont accumulée pour augmenter les capacités de production est devenu un fardeau insupportable. Aux USA, plus d’une cinquantaine de faillites se sont enchainées depuis 2011 et en avril dernier, c’est Peabody, leader mondial de l’extraction de charbon, qui mettait la clef sous la porte, laissant une dette de 6,3 milliards de dollars.

Cohérence

Après cette première décision dans le domaine climatique, Axa a poursuivi en 2016 l'analyse de la cohérence de son portefeuille à l’aune de son rôle d’assureur santé. Immédiatement, se pose la question de ses investissements dans l’industrie du tabac. «Nous pensions depuis plusieurs années que ce thème pouvait devenir un sujet de controverse à notre égard, même si aucune ONG ne s’était emparée du sujet», raconte Sylvain Vanston. Si les investissements dans le tabac sont toujours si prisés, c’est qu’ils présentent trois caractéristiques particulièrement recherchées: ils sont plus profitables que la moyenne, prévisibles et stables. C’est typiquement un investissement dit «défensif» qui permet de se prémunir contre les aléas du marché.

Ce questionnement sur le tabac va se transformer en action avec une information venue d’Australie où une jeune oncologue, le docteur Bronwyn King, a fondé le «Tobacco Free Portfolios». Lancée en 2010, cette initiative a pour objectif d’inciter les fonds de pension, qui gèrent deux milliards de dollars australiens, à ne plus détenir d’actions ou d’obligations liées à l’industrie du tabac. À ce jour, plus de la moitié ont déjà franchi le pas.

«Elle nous a révélé toute l’étendue des dégâts», résume Sylvain Vanston qui a rencontré l'oncologue avec le top management du groupe. Un tournant décisif. Le 22 mai dernier, Axa annonce qu’il va se délester de ses investissements dans l’industrie du tabac, d’une valeur de 1,8 milliard d’euros, et cesser d’assurer les cigarettiers. Une décision que Thomas Buberl, directeur général adjoint et futur directeur général d’Axa, explique par une mise en cohérence de l’action avec les valeurs. «Le tabac tue six millions de personnes chaque année, et coûte plus cher à la société que la guerre et le terrorisme réunis. Et pourtant, il est dans le même temps considéré comme un investissement attractif, offrant des rendements élevés. Cela n’est pas cohérent et ne peut plus durer. En matière de prévention des risques de santé, les assureurs devraient toujours être partie prenante de la solution plutôt que du problème.»

Boule de neige

Si Axa espère là encore créer un effet «boule de neige» et entraîner d’autres investisseurs dans son sillage, voire même, à long terme, susciter une augmentation du spread obligataire pour l’industrie du tabac, ses équipes ont aussi très vite relevé d’autres impacts positifs. «Nous avons noté à de multiples signes un regain de fierté parmi les collaborateurs, y compris parmi les gérants de portefeuille», indique Sylvain Vanston. 

La capacité à attirer les meilleurs talents pourrait aussi en bénéficier. Les assureurs souffrent de la concurrence des banques d'affaires qui attirent davantage les plus brillants éléments sortant des grandes écoles. «La politique RSE est clairement sur la table quand les jeunes diplômés choisissent un employeur», confirme Sylvain Vanston. À cet égard, les engagements en faveur du climat pris par le GIE Axa, qui chapeaute l'ensemble des activités du groupe, vont être dans les prochains mois repercutés dans l'ensemble des structures et des pays et faire l'objet de prises de parole tant sur le plan de la communication interne qu'externe pour accompagner sa réputation d'entreprise.

Haro sur le charbon

En 2015, à l'instar d'Axa, ils ont été nombreux à annoncer leur désengagement dans les entreprises les plus exposées aux activités relatives au charbon: d'autres assureurs –CNP, Allianz–, mais aussi des banques –Barclays, Citi Group, Crédit agricole, BNP Paribas, Société générale, Morgan Stanley, Goldman Sachs…– ainsi que des fonds de pension américains –New York State Common Retirement Fund, Cal PERS, Cal STRS– et le fonds souverain norvégien. L'agence de relations publics Edelman a pris aussi ses distances avec le secteur après avoir été au cœur de polémiques. 

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