Communication institutionnelle
Mauvais timing, erreur de casting, déficit d'explication... Le projet de loi Travail a cumulé les handicaps. Décryptage d'un ratage de communication.

«Il y a eu des ratés et je les assume… Il y a eu un moment où nous n’avons pas trouvé le temps, le moment, de présenter [le projet de loi Travail] comme nous le faisons depuis quelques jours .» Invité le 14 mars au JT de 20 heures de France 2, le Premier ministre, Manuel Valls, a fait son mea culpa, défendant des «compromis intelligents», espérant ainsi donner «un nouveau départ» au texte. Une réaction bien trop tardive, selon les experts de la communication. «Ce gouvernement a fait tout ce qu'il ne fallait pas faire quand on traite ce type de dossier sensible», lance d'emblée Jean-Christophe Alquier, président d'Alquier Communication, spécialiste de la gestion de crise. A commencer par «la décision de lancer une réforme de ce type la quatrième année du quinquennat, avec moins de 20% de popularité...», confirme pour sa part Bernard Sananès, président-fondateur du cabinet d'études et de conseil Elabe.

Manque de pédagogie

En négligeant la préparation de l'opinion en amont, la sortie du projet de loi a cristallisé les positions. «Dès le début, comme le montre notre sondage du 3 mars réalisé pour Les Echos, le fond du texte est apparu déséquilibré aux yeux des Français, dans les milieux populaires comme parmi les cadres», rappelle Bernard Sananès. Une opposition qui s'est d'autant plus renforcée que lors de la médiatisation du texte, la ministre du Travail, Myriam El Khomri, a très vite évoqué la possibilité du recours à l'article 49.3, «un processus législatif qui est diamétralement opposé à la concertation et au dialogue», note Jean-Christophe Alquier.

Autre erreur: faisant porter ce texte par Myriam El Khomri, sans grande expérience ministérielle, le Premier ministre, à l'initiative du projet, a tardé à «mouiller la chemise». «L'image d'un gouvernement soudé autour de ce dossier a mis trop de temps à émerger, fragilisant d'autant Myriam El Khomri et renforçant du coup la mobilisation des opposants», ajoute Jean-Christophe Alquier. La pétition «Loi Travail: non merci!» (nouvel avatar 2.0 de la gestion de crise, sous estimé par le gouvernement) et les manifestations lycéennes et étudiantes, dont la force symbolique est toujours importante dans le pays, ont placé le gouvernement au pied du mur. «Comme toujours en situation de crise, les premières heures sont déterminantes. Dans ce cas précis, le mal est fait», tranche Jean-Christophe Alquier, qui constate un manque flagrant de pédagogie. Trop de flexibilité, pas assez de sécurité sur le fond? Quoi qu'il en soit, sur la forme, l'erreur originelle du gouvernement est de ne pas avoir suffisamment présenté les bénéfices de sa réforme. 

 

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