Expérience client
Directeur général de Publicis ETO, Yan Claeyssen revient sur les spécificités des agences, les risques d’ubérisation du métier, le RGPD et l’enjeu de recrutement de talents auquel le secteur doit faire face.

À l’heure où tous les métiers semblent converger, comment se portent les agences de CRM, qui sont concurrencées de toutes parts ?

Yan Claeyssen. Elles se portent plutôt bien, pour la simple raison que, de toutes les agences, elles sont les seules à pouvoir revendiquer une culture du résultat vraiment assimilée. Nous maîtrisons la data, nous n’avons pas peur de mettre les mains dans la technologie. Notre modèle est sans doute celui qui correspond le plus à ce que devrait être une agence de marketing, de communication, voire de publicité de demain.

Il reste que la culture du résultat et la maîtrise de la data sont aujourd’hui revendiquées par tous les acteurs de la filière marketing et communication. Qu’est-ce qui vous différencie vraiment ?

Quoi qu’en disent nos concurrents, la culture de la mesure et du résultat est une vraie spécificité héritée de notre passé d’agences de marketing direct et de promotion, elle est dans notre ADN quand d’autres doivent la comprendre et l’acquérir. À titre d’exemple, nous avons depuis longtemps renoué des liens très forts avec les éditeurs Oracle, Salesforce, Adobe et Microsoft. Ils sont aujourd’hui devenus de vrais partenaires structurants de notre métier, avec lesquels les échanges sont permanents. Nous avons aussi su rester orientés sur le client, là où la plupart de nos concurrents sont orientés sur la marque. Nous revendiquons une parfaite connaissance des clients de nos clients, nous aidons les marques à dialoguer avec eux, à mieux les connaître pour leur faire vivre une expérience de marque forte. Une expérience qui peut commencer dans les médias pour se prolonger sur internet, sur smartphone ou en magasin. Nous sommes génétiquement des agences de terrain –  c’est d’ailleurs la raison pour laquelle notre métier compte beaucoup de structures régionales –, ce qui nous rend plus proches des réa-lités, plus pertinentes et plus légitimes sur la relation client.

Beaucoup s’inquiètent de la montée en puissance des Gafa, qui maîtrisent la data, et des cabinets de consulting. Comment les voyez-vous ?

Ils contribuent au bouleversement du marché, mais le vrai danger est ailleurs, chez les annonceurs – nos clients – qui intègrent les expertises et ubérisent les agences. Ils vont faire leurs courses directement chez les prestataires, notamment chez les Gafa et les éditeurs, qui ont rendu leurs outils si simples à utiliser que tout le monde peut s’en servir. Cela doit nous obliger à nous remettre en question et à faire évoluer notre rôle : nous devons être les architectes de l’expérience, car les annonceurs n’ont pas encore cette vue d’ensemble.

On a parfois l’impression que le digital est devenu le point de contact le plus stratégique dans la relation client…

Il est essentiel, mais il n’est pas le seul. La relation doit se concevoir tout au long du parcours client et se doit donc d’actionner les bons leviers au bon moment. Par conséquent, il faut réellement raisonner en omni-canal. On ne doit pas oublier que si internet influence beaucoup nos choix et nos comportements, la relation physique via les magasins, les événements, est très structurante. Ni que ce qui se passe sur les réseaux sociaux n’est en grande partie qu’un reflet de ce qui se passe dans le réel. C’est pourquoi nous préconisons de plus en plus d’événements. C’est aussi la raison qui pousse de plus en plus de boutiques à organiser leur espace pour être instagrammables par les internautes.

Est-ce un vœu pieux ou les marques sont-elles bien conscientes de cet équilibre à trouver entre les leviers ?

Elles sont très réceptives à cela, il y a un retour à la réalité, notamment grâce à la data, qui nous permet aujourd’hui de nourrir ou de contredire certaines intuitions, certaines idées reçues.

Puisque vous évoquez la data, quel regard portez-vous sur le tout nouveau Règlement général sur la protection des données (RGPD) ?

C’est une très bonne nouvelle pour nous, puisqu’il n’interdit pas d’utiliser la data collectée, mais exige qu’elle le soit uniquement après le consentement de la personne concernée. Cette réglementation va donc surtout empêcher certains acteurs de faire n’importe quoi. Par ailleurs, les nouvelles conditions de collecte et d’exploitation imposent aux professionnels que nous sommes d’être plus créatifs en termes de services et de qualité de l’expérience proposés, pour inciter le consommateur à donner son consentement.

Quels sont les chantiers les plus urgents de la délégation Costumer Marketing de l’AACC, dont vous êtes le président ?

Le premier chantier concerne le recrutement et le maintien des talents dans nos agences. Aujourd’hui, nous faisons face à un problème de pénurie de profils de data scientists, de data planners, de spécialistes de l’UX multi-canal (et pas seulement digital)… Des agences recherchent certains profils pour des postes vacants depuis des mois ! Résultat, il arrive que nous ne puissions pas nous engager sur certains projets.

Notre métier traîne une image un peu laborieuse, qui ne fait pas rêver. Depuis quatre ans, nous travaillons donc à la transformation de cette image, notamment en nous intéressant aux sujets qui sont des buzzwords ou en passe de le devenir. Nous réalisons des études poussées qui nous permettent de valoriser nos expertises et nos liens avec ces sujets, nous éditons des livres blancs, nous participons à des événements, etc. Ces recrutements sont essentiels pour nos agences, car l’autre grand enjeu est d’être capable d’avoir une vision globale du client : si nous voulons réellement fournir une expérience client unique et homogène, nous devons pouvoir disposer de tous les outils et de toutes les compétences.

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