Développement durable
À la surprise générale, les agences digitales sont les plus mauvais élèves du secteur en matière de responsabilité sociale et environnementale. Un comportement qui a une explication.

Un peu plus de dix ans après la création de la commission Développement durable (DD) à l’AACC et juste après la signature d’une charte pour la communication responsable par l’UDA, actant l’intérêt du secteur des agences pour le sujet, on a du mal à le croire : les agences digitales, dans leur quasi-totalité, n’ont aucune conscience de leur impact sur l’environnement. Gildas Bonnel, qui préside la commission, l’a concrètement vérifié à l’occasion d’un apéro DD organisé il y a quelques mois dans les locaux de l’association : « C’était incroyable ! Les gens avaient une telle conviction que le digital était LA solution écologique qu’ils sont tombés de leur chaise en apprenant l’ampleur de l’impact, réellement catastrophique, de leur activité. »



Ne pas opposer l’octet au papier

À la décharge des agences, le fait de leur matraquer pendant près d’une décennie qu’utiliser le papier revenait à détruire la forêt amazonienne a propulsé (par défaut) la communication digitale comme l’alternative, forcément plus écologique, puisque « paper free ». Or, selon une étude réalisée par le collectif GreenIT.fr, il apparaît que l’empreinte numérique annuelle d’un internaute est de l’ordre de 350 kWh (12 ampoules basse consommation allumées pendant 2 000 heures), 200 kg de CO2 (1 200 km en voiture) et 3 000 litres d’eau (55 douches). En se concentrant sur les salariés, la note grimpe à 1 520 kWh (50 ampoules allumées pendant 2 000 heures), 514 kg de CO2 (3 100 km en voiture) et 23 555 litres d’eau (428 douches) ! « Même s’il reste beaucoup de travail, le papier a fait le job pour être moins énergivore, alors que dans le même temps les nouveaux usages, la multiplication des terminaux ont augmenté la consommation énergétique et son empreinte, observe Frédéric Bordage, consultant et porte-parole du collectif GreenIT.fr. Pour autant, le débat n’est pas d’opposer l’octet au papier, mais de faire matcher les deux. Car le tout-dématérialisé, de même que l’était le tout-papier, est un vrai fléau. » 

L’identification du problème et de ses solutions n’est pourtant pas un sujet nouveau. Depuis une dizaine d’années, le site de l’Ademe propose un guide de l’écocommunication, dans lequel est abordé le sujet du digital. Depuis 2009, GreenIT.fr propose des solutions d’écoconception des équipements et des services numériques… « Nos collaborateurs ne sont pas des experts du sujet et il n’existe pas de cours sur les green IT, constate Romain Peton, responsable du développement durable de BETC. Le premier frein à la prise de conscience est lié à l’absence de formation. Et la situation est à peu près la même chez nos clients. » Sa structure est néanmoins l’une des rares du marché du digital à s’être saisie du sujet en développant des pratiques comme la mesure systématique d’impact et la compensation carbone de ses différentes productions (audiovisuelles, print, événementielles et digitales).

Parallèlement au déficit de formation, le développement exponentiel et quasi hystérique de nouveaux outils digitaux expliquerait également le faible engagement des agences : « Chaque mois voit naître un nouveau réseau social, une nouvelle technologie, un nouveau standard auquel il faut impérativement se former, reprend Romain Peton. Nous sommes conscients de participer à ce cercle vicieux dont il va falloir sortir. C’est la raison pour laquelle nous travaillons avec l’AACC pour rejoindre le programme FAIRe de l’UDA, lancé en janvier dernier, qui propose quinze engagements pour une communication responsable. »

 

Label « RSE Agences Actives »

C’est aussi la raison pour laquelle l’AACC s’apprête à lancer pour le printemps prochain son label « RSE Agences Actives ». Développé en partenariat avec l’Afnor, il permettra au marché d’identifier les structures ayant initié une véritable démarche RSE. Plusieurs agences digitales ont déjà manifesté leur désir de faire partie de l’échantillon bêta-testé. 

L’association a aussi tout récemment mis en place un nouveau site (communication-responsable.aacc.fr), destiné à tous les communicants désireux de réduire leur empreinte environnementale. Riche en exemples, le site propose aux professionnels une entrée par métier (print, audiovisuel et digital), ainsi qu’une liste de 115 bonnes pratiques pour réduire l’empreinte de son site. « Le plus souvent, il ne s’agit que de bon sens, explique Frédéric Bordage, comme le fait de simplifier ses pages : d’abord parce qu’il est avéré que la sobriété améliore fortement l’expérience utilisateur ; ensuite parce qu’une page épurée a jusqu’à vingt fois moins d’impact sur l’environnement. Trop de sites affichent des pages surchargées, qui traduisent la priorité qu’ils accordent aux enjeux business de la marque sur les attentes du client. » 



Expurger, simplifier : un pari qui peut se révéler gagnant

Il s’agit peut-être là d’un autre frein à l’acceptation des comportements responsables : prôner une certaine frugalité peut être perçu comme une incitation à moins consommer, que les marques et les agences ont encore des difficultés à considérer comme un générateur de profits. « Et pourtant, prenez l’exemple de Yahoo et Google, illustre le porte-parole de GreenIT.fr. Le premier, qui était leader mondial à la fin des années 1990, s’est fait détrôner par un concurrent qui n’a fait que se concentrer sur son utilisateur. En surchargeant sa page en cours de Bourse et autres actualités pour apporter le plus d’informations possible à ses utilisateurs, Yahoo n’a fait que les perdre, les empêcher de trouver ce qu’ils venaient réellement y chercher : un moteur de recherche. A contrario, Google leur a proposé une page blanche, avec uniquement son nom et une fenêtre de recherche. » En lançant un outil simple, conforme aux attentes des internautes, Google a réussi son pari et est devenu la marque la plus puissante du monde.

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