Innovations
Magasins connectés, reconnaissance faciale, commande vocale, blockchain… Quelles sont les conséquences de ces technologies pour les marques ? Le rapport Trends 2018 de Fjord, studio de design d’Accenture Interactive, donne des pistes de réflexion.

Les marques se sont déjà digitalisées à travers les écrans des ordinateurs et des portables, mais avec l’avènement de l’assistance vocale, le lien avec les consommateurs va devenir encore plus ténu. On estime que d’ici 2020, 30 % de la navigation sur internet ne se fera plus sur un écran. Quelles conséquences pour le marketing et pour les designers ? C’est la question soulevée par le rapport Trends 2018 de Fjord, le studio de design et d’innovation d’Accenture Interactive. Mark Curtis, le dirigeant et cofondateur du réseau, était de passage à Paris pour présenter les tendances digitales qui vont marquer l’année, compilées à partir des réflexions de ses équipes et de ses clients.

1- Le physique contre-attaque.« Après avoir été absorbés par le smartphone, tous les outils, clavier, appareil photo, enceintes, écrans, s’individualisent à nouveau comme un couteau suisse désossé, souligne Mark Curtis. Amazon Echo est un exemple de service (l’assistant vocal) qui existe dans le téléphone mais qui s’autonomise. » À l’exemple de ce qui se pratique dans les parcs Disney, la compagnie de croisière Carnival Cruise équipe ses clients de bracelets connectés qui enregistrent leurs commandes pour leur offrir un service personnalisé. Au Tao Café d’Alibaba en Chine, les consommateurs sont identifiés par reconnaissance faciale et comme chez Amazon Go, peuvent faire leurs achats sans bourse délier, grâce à des capteurs. Autant de cas qui illustrent l’imbrication des expériences physiques et digitales, affranchies des écrans.

2- Les objets sont nos yeux. Avec Google Lens, la caméra du smartphone analyse l’environnement et prend des décisions : elle se connecte par exemple au wi-fi simplement en photographiant le code. Google Clips va encore plus loin en décidant du meilleur moment pour prendre une photo ou une vidéo. Quant aux miroirs connectés, ils peuvent délivrer des informations sur la météo pour proposer la tenue du jour mais aussi enregistrer des données de santé. Plus de données, c’est l’opportunité des services de meilleure qualité et sur mesure. Chez Sushi Express à Singapour, des capteurs identifient les plats les plus populaires pour éviter le gaspillage. Disney observe les mouvements des yeux des spectateurs pour analyser leurs réactions à un film et leur proposer un meilleur « storytelling ».

3- L’effacement des marques. Aujourd’hui, la commande de courses sur Alexa, l’assistante virtuelle d’Amazon Echo, est à la portée d’un enfant. Mais pour des biens de consommation courante où le « branding » est peu important, comme les produits ménagers notamment, comment les marques peuvent-elles continuer d’être visibles et présentes à l’esprit ? D’autant qu’Amazon peut aisément faire livrer sa marque propre ou « private label ». « Les algorithmes ne sont pas sensibles aux ambassadeurs de marque ou aux publicités du Super Bowl. Si je devais lancer une marque demain, je ferais d’abord en sorte qu’elle soit facile à prononcer et à mémoriser », conseille Mark Curtis. Pour les marques installées, la problématique est d’arriver en tête des recommandations des assistants vocaux, comme actuellement sur les moteurs de recherche.

4- Donner du sens à la machine. On dit souvent que l’intelligence artificielle va détruire des emplois, mais elle peut aussi en créer comme celui d'« entraîneurs de robots » ou d'assistants pour rendre l’innovation compréhensible aux usagers. Pour les designers, les interactions hommes-machines ouvrent des chantiers passionnants. « Un ami m’a raconté qu’il était très content de sa tondeuse à gazon autonome, il lui avait même donné un nom, mais il était contrarié qu’elle ne le remercie pas lorsqu’il la sortait d’une ornière. C’est de toute évidence un défaut de conception », relate Mark Curtis. Loin de s’opposer, les intelligences humaine et artificielle vont apprendre à travailler ensemble, en particulier sur le lieu de travail.

5- Rendre visible la blockchain. Ce système d’authentification numérique reste encore mystérieux pour le grand public. Il est pourtant largement utilisé, par Spotify par exemple pour gérer l’épineuse question des droits d’auteur. Fjord a collaboré avec Microsoft et les Nations Unies pour fournir une identité à 1 milliard de réfugiés grâce à la blockchain. Aux États-Unis, la plateforme Follow My Vote milite pour une sécurisation du vote en ligne en utilisant cette technologie. « Il manque un modèle mental, une représentation visuelle de la blockchain pour que les consommateurs se l’approprient », souligne Mark Curtis. Encore une tâche pour les designers. 

Une présence dans 28 pays

Mark Curtis a fondé Fjord à Londres en 2001 avec Mike Beeston et Olof Schybergson et l’a vendu à Accenture en 2013. L’agence est désormais présente dans 28 bureaux et emploie plus de 1000 personnes. En 2017, elle a racheté Matter, un studio de design produit de San Francisco, preuve que le digital n’a pas supplanté l’expérience physique. Depuis six mois, le bureau de Paris est dirigé par Mathilde Lauriau-Tedeschi, ex-Landor et Kantar Added Value. « Le potentiel est énorme en France non seulement en raison de ses industries iconiques mais aussi parce que le mot design y a pris un sens qui n’existait pas il y a cinq ans, assure Mark Curtis. Le rapprochement stratégique avec Accenture nous permet de mêler le design et l’expertise technologique. » 

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