Dossier Publicité
Après la folie des emojis, les GIFS sont les nouvelles mignardises du décorum d'internet. Leur fort potentiel de viralité n'a pas échappé à la publicité. Qui ne s'en empare pas toujours à bon escient...

Tranchons d’emblée un épineux débat: «C'est un “G” doux, et ça se prononce “jif”, fin de l'histoire.» Enfin! La controverse a été tranchée par Steve Wilhite, celui qui a créé le GIF en 1987 chez Compuserve. L’ingénieur n’en pouvait plus de ces débats d’exégètes autour de l’acronyme pour Graphics Interchange Format [format d'échange d'images]. Même si le prestigieux Oxford English Dictionary, qui l’avait élu en 2012 mot américain de l’année, autorise, dans sa grande largesse, les deux prononciations.

Que de passions! GIF superstar? En février dernier, on apprenait que Giphy, site de référence pour trouver des GIF, venait de lever 55 millions de dollars, pour une valorisation record de 300 millions. «Et Twitter, Facebook et Tinder les intègrent depuis peu en natif, rappelle Audrey Depommier, head of social media de DDB Paris. Il est également possible de les intégrer à des claviers MMS.» Mais aussi d’en envoyer depuis le bastion des échanges professionnels, Outlook, souligne Arnaud Gaidon, également head of social media de DDB Paris: «On envoie un GIF pour faire rire ses collègues, son patron, mais le format permet par ailleurs de faire passer une idée très simplement dans les briefs clients.»

Expression des émotions

Plus d’un quart de siècle après sa création, le format épileptique et laconique – pas plus de quinze secondes – a plus que jamais trouvé son public. «Si les GIFS explosent, c’est tout d’abord grâce à leur digestibilité, ils correspondent aux modes de consommation actuels de contenus et, surtout, de partage: “snackable” [à picorer], “bite-size content” [amuse-bouche des contenus], note Emmanuel Devezeaux de Rancougne, directeur général de Proximity BBDO. Décidément irrésistibles, les GIFS ont aussi pour eux«leur “Lo-Fi-ness”, ce caractère artisanal leur permet de s’intégrer de façon non-interruptive dans des flux de conversation digitaux, moins perçue comme publicitaire.» Basse-fidélité, c'est rien de le dire. Ultra-criarde, répétitive… Voici à quoi ressemblait la préhistoire du GIF, rappelle Clément Scherrer, planneur stratégique chez Buzzman (qui a conçu la campagne «GIF me more» pour MTV Mobile, sur ce principe): «Lié au “Pixelart”, on retrouvait le GIF, déjà considéré comme un parangon de coolitude, dans pléthore de Tumblr, du genre “Moi, quand mon directeur de création me demande de revoir ma copie”. On a alors commencé à utiliser massivement le GIF pour exprimer les émotions.»

Le refrain est connu: une image vaut mille mots – à fortiori lorsqu’elle est montée en boucle. «On a d’ailleurs l’impression que certains clips, comme “Scream and shout” de Will.i.am ou “Hotline bling” de Drake, sont réalisés comme une succession de GIFS, avec des mouvement de danse et des effets de lumière ultra-découpés. Tout comme les publicités Puppy Monkey Baby de Mountain Dew ou autres Loctite, de véritables machines à GIFS…», relève Clément Scherrer.

«Je me répète, je recommence, encore et encore… Je suis un GIF». Lancinante à souhait, la récente campagne Playstation #GameIsNeverOver (TBWA Paris), qui montre des athlètes s’entraînant inlassablement, endosse sans ambiguïté l’esthétique «Gifienne». Tout comme la série de spots Footlocker (CLM BBDO), florilège de codes graphiques inspirés des internets – comme on dit. «En mettant en scène tous les “ressentis” de passionnés de baskets durant une période de lancement d’exclusivités via les GIFS, la campagne a permis de créer de l’engagement en générant des “taggages” spontanés d’utilisateurs se reconnaissant et interpellant leurs amis dans les différentes situations», se félicite Emmanuel Devezeaux de Rancougne.

Le problème des droits, seule limite

Mais dans la grande cour de récré du participatif, la grosse bêtise n’est jamais très loin, comme l’indique Audrey Depommier, de DDB Paris: «Pour preuve, le bad buzz de Coca-Cola, qui avec l’opération “Gif the Feeling”, enjoignait les internautes à customiser des images de bouteilles en répondant à la question “How does Coke make you feel?” Elle s’est retrouvée avec des réponses comme “diarrhée” ou “diabète”…»

Ne jamais oublier que les internautes sont de grands enfants pas très fins. Ne jamais occulter non plus que, dans l’ombre, les avocats rôdent… «La limite de tout ça, c’est un problème de droits, avertit Arnaud Gaidon (DDB Paris). Si tout le monde commence à reprendre des GIFS d'House of Cards, cela peut poser question.» «Ogilvy a saisi l’opportunité de montrer des images de séries avec sa campagne Netflix, se souvient Clément Scherrer. Mais à vrai dire, à part d’autres acteurs qui maîtrisent leurs contenus, comme Canal+, personne n’a vraiment la latitude de le faire.» Mieux vaut, dès lors, comme l’estime le planneur de Buzzman, «créer ses propres contenus, voire utiliser carrément le GIF en tant que média, comme Skittles avec “Gif Rap the Rainbow”.»

Gare… Répétitif ne rime-t-il pas, à force, avec rébarbatif? «La particularité des GIFS et emojis est qu’ils constituent finalement la grammaire d’un langage universel, qui risque d’être là pour durer», prévient Emmanuel Devezeaux de Rancougne, de Proximity BBDO. D’autant que, comme l’annoncent Audrey Depommier et Arnaud Gaidon, «de nouvelles formes de GIF, comme Cinemagraph, dans lesquels tout reste statique sauf une partie de l’image, vont permettre de réaliser du brand content 100% digital très qualitatif». Nous voilà quittes pour de bonnes paires de GIFS...

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